L’urgence managériale en 8 points
La crise et ses effets amplificateurs sur le management
La crise sanitaire n’a rien inventé de nouveau (mise à part et heureusement les vaccins pour lutter contre le virus). La crise n’a fait que de révéler et d’amplifier des signaux faibles déjà présents dans le monde « avant COVID ». Prenons le cas le plus emblématique de ce phénomène d’amplification, celui du télétravail. Le télétravail était déjà en action dans certaines entreprises, plutôt dans les grosses entreprises et en particulier celles du monde digital. Les différents confinements ont eu un effet d’explosion phénoménale de ce mode de travail. Je vous propose de découvrir en 8 points essentiels, les urgences du management, issues des bouleversements apportés par la crise sanitaire et de ses effets amplificateurs.
L’hybridation
Cette explosion subite du télétravail, n’a pas eu que des effets « profitables ». L’extrême urgence de sa mise en place a généré de nombreux désordres dans plusieurs domaines qui restent aujourd’hui encore très présents. Le télétravail, et le management à distance qu’il oblige, sont des éléments de « la nouvelle vie des managers » d’aujourd’hui, mais aussi de demain. En effet, même si une forme d’atténuation semble nécessaire avec un retour sur site souhaité et souhaitable, la pratique du télétravail aura fait un bond en avant prodigieux. Le travail à distance est passé en quelques semaines de l’exceptionnel à la norme. Un retour en arrière est bien entendu impossible. De cette nouvelle norme est né un nouveau mode organisationnel et managérial, celui de l’hybride, dans lequel chacun va devoir trouver ses propres repères.
Le besoin d’avoir du sens dans l’action.
Au-delà du télétravail, la crise a amplifié bien d’autres signaux faibles. Au premier rang de ces signaux faibles, nous trouvons la nécessité de donner du sens aux actions et d’avoir une vision claire et partagée pour avancer ensemble. Le flou et l’incertitude que la crise a mis sur nos lendemains, nous a conforté sur ce besoin fondamental de pouvoir, en tant qu’être humain, se projeter et dessiner plus ou moins notre avenir. Nous n’attendons pas de certitudes, nous savons qu’elles ne font plus partie de notre paradigme, mais nous attendons une orientation générale de nos écosystèmes respectifs sur laquelle nous allons pouvoir aligner nos décisions et nos actions. Le besoin de savoir « pourquoi nous agissons » est devenu un besoin existentiel fondamental que le management ne peut plus ignorer.
Le besoin d’autonomie dans son travail.
En second signal faible vient la volonté de travailler en autonomie. Dans cette période de stress, le désire de ne plus dépendre d’une entité ou d’une personne, d’être quasi en autarcie est rassurant pour de nombreuses personnes. Quand tout le système semble vaciller, le besoin de trouver et de créer sa propre stabilité est humainement rassurant, même si cette forme de stabilité a un prix non négligeable. Le télétravail a lui aussi participé indirectement à cette nécessité d’être autonome, car de fait, nombreux d’entre nous se sont trouvés éloignés de leurs repères habituels, fonctionnels et organisationnels, et qu’ils ont été naturellement incités à devenir autonomes. La crise a aussi révélé des milliers de vocations pour les indépendants et les auto-entrepreneurs. Plus que jamais, nous ressentons le besoin d’avoir un minimum d’impact personnel sur notre travail, afin de passer de simple exécutant d’une tâche à créateur d’une œuvre commune.
La remise en cause du « pouvoir sur ».
Ensuite une autre conséquence indirecte de la crise, et principalement liée à sa gestion, a été la perte de confiance en ce que j’appelle « l’homme sachant ». Devant cet inconnu de virus s’est dressé très rapidement et très médiatiquement une horde de « sachants ». Au grès des plateaux télé ou des articles de presse, de nouveaux « donneurs de leçon » sont venus proclamer leur connaissance et leurs remèdes. Ce qui est plutôt cocasse face à un phénomène inconnu et donc sans solution a priori. Peu de dirigeants et de responsables de tous bords ont eu, aux premières heures de la crise, le courage et l’humilité de dire qu’ils ne savaient pas. Ceux qui ont su tenir ce discours de : « Je ne sais pas comment faire » l’ont souvent complété par « Mais ensemble nous y arriverons ». La perte de confiance envers nos « sachants » était déjà bien amorcée avant la crise et la remise en cause du « pouvoir sur » avait déjà traversé de nombreux pays sur la planète. Aujourd’hui, après cette crise, nous observons une réelle défiance envers cette forme de pouvoir issue d’un monde passé et révolu. Nous ne voulons plus de dirigeants qui « prennent le pouvoir », mais de ceux qui « donnent le pouvoir ». Ma volonté, plus que jamais, est de proclamer et de démontrer que cette forme de « pouvoir pour » est la seule légitime à construire un monde du travail plus humain.
Le pouvoir de l’intelligence collective.
Nous avons vu ici et là se briser « le pouvoir sur » pour voir émerger la pertinence du « pouvoir pour ». La confiance dans la puissance de l’intelligence collective est venue nous sauver de tous ces sachants, qui s’étaient autoproclamés sauveurs du monde. Les sachants n’ont pas su, car ils ne savaient pas. Les équipes se sont misent alors au travail avec une énergie incroyable, celle des défis humains, celle qui ne peut surgir d’une seule tête. Les collectifs ont montré ici en temps réel et en un temps record, toute leur puissance à se mobiliser, à fédérer les talents, à repousser les limites, à innover, en un mot à défier l’impossible. Avant la crise nous avions déjà conscience de la pertinence à agir collectivement pour traiter de nombreux sujets et gérer de nombreux projets. Après cette crise nous sommes passés au stade de la conviction. La conviction que la complexité du monde et ses aléas toujours plus nombreux ne peuvent se résoudre que par l’intelligence collective. La conviction que l’innovation toujours plus exigeante et pointue ne peut naître qu’au sein d’une intelligence collective. La certitude que le monde de demain ne sera plus dirigé par quelques têtes isolées (même bien faites), mais par une communauté de talents fédérés.
La puissance de la coopération.
S’il y a bien un mode de comportement social dont les bénéfices ont été révélés par la gestion de la crise, c’est bien celui de la coopération. La coopération est tout simplement un état d’esprit individuel qui s’oppose à la compétition pour favoriser l’action collective au bénéfice d’un bien commun. La compétition oppose les différences, la coopération additionne les complémentarités. Ceux qui ont voulu affronter la crise dans un état d’esprit de compétition se sont trompé de combat. Cette guerre contre le virus est en train d’être gagnée par l’esprit de coopération qui s’est mis en œuvre spontanément dans de nombreux domaines, et bien entendu en premier dans celui de la santé. Celles et ceux qui ont été désignés comme faisant partie des premières lignes ont été dans l’obligation de palier en urgence les défaillances d’un système qui n’était pas conçu pour faire face à l’inconnu. Ces premières lignes n’ont pas attendu les directives, elles les ont prises ensemble pour le bien de tous, pour notre bien. Il fut un temps où nous les applaudissions les soirs de confinements à 20h. Ces soirs là nous applaudissions leur force collective à inventer ensemble, à construire ensemble et à agir ensemble. Ces soirs là nous applaudissions la coopération, leur coopération. Cette coopération au travail ne doit pas être un moment éphémère de traitement d’une crise conjoncturelle, mais un état d’esprit permanent incarné dans la culture de l’organisation.
L’énergie de la solidarité.
Au cœur du cœur de la coopération mise en place durant la crise il y a eu au la solidarité entre tous. De nombreuses personnes ont su dans ce chaos généralisé offrir leur temps et leurs compétences au service des autres. De nombreuses personnes ont su s’entraider et se soutenir dans cette adversité invisible et sournoise. La pandémie a su réveiller cette solidarité humaine qui a toujours permis à l’humanité de surmonter les crises les plus graves. Cette énergie d’entraide ne doit pas se rendormir jusqu’à la prochaine crise. Elle doit s’immiscer et s’incruster dans notre quotidien au travail comme dans la vie en société de manière générale. Le management et le rôle des managers est essentiel dans l’émergence de comportements solidaires au sein du monde du travail. La solidarité n’est pas un aspect organisationnel du travail mais une qualité relationnelle spécifique fait de générosité et d’altruisme. Seul le management peut initier ces qualités humaines par un état d’esprit à mieux travailler ensemble pour le bien commun et le bien de chacun.
La force de la responsabilité.
Là encore, quelle force révélée par la crise sanitaire ! Que nous l’ayons voulu ou pas, nous avons chacun de nous était à un moment donné, individuellement et/ou collectivement, en responsabilité de nos agissements et comportements face à cette crise. Si la solidarité consiste à se rapprocher de l’autre, la responsabilité consiste à se rapprocher de soi. Cette crise majeure nous a tous questionné sur notre propre responsabilité à être spectateur ou acteur. Il y a bien entendu, dans cette posture d’être responsable ou pas de nos comportements individuels, un parallèle entre la crise sanitaire et la crise écologique de notre planète. La seule différence a été dans la visibilité immédiate et violente des conséquences de la pandémie, et des décès observés jours après jours. La violence des images venues du monde entier a eu un effet de prise de conscience collective bien plus fort et bien plus impactant que celle d’un ours polaire perdu sur un bout de banquise.
Au cœur de cette pandémie, l’urgence à mettre en œuvre des actions concrètes était d’une évidence incontestable. Les gouvernements et les institutions, dans leur grande majorité, ont su prendre des décisions. Même si certaines se sont révélées tardives et contestables, elles ont toutes étaient prises au regard de leurs responsabilités respectives.
Il est évident que, durant cette pandémie, chacun de nous a pu ressentir de manière très concrète la notion de responsabilité individuelle envers un collectif ou une communauté.
Ces notions entrecroisées des responsabilités collectives et individuelles sont au centre de l‘intelligence coopérative, au centre de la performance collective des entreprises de demain et au coeur de l’engagement des acteurs.
Cette fois il est temps !
Hybridation du travail, sens donné aux actions, autonomie des acteurs, bouleversement hiérarchique du pouvoir, nécessité d’entraide et responsabilisation individuelle et collective, sont autant de constats qui imposent à agir au plus vite en intelligence coopérative et à donner aux managers un nouveau rôle essentiel pour l’avenir de nos entreprises. Cette fois il est temps.
Jean-Michel PHILIPPON – Dirigeant INITIUM Coaching